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Anomalie chez les riches - la vendeuse de macarons III

Samedi le 4 août 2018

Une parfaite harmonie. C’est cette idée qui me vint tout à d’abord à l’esprit lorsque j’arrivai sur l’île des Jainis.

Même si la ville, et le pays en général, sont reconnus pour leur abondante verdure, ce fait me frappa encore plus sur cette petite île. Dès mes premiers pas je remarquai la verdure qui foisonnait de partout : feuillus, conifères, arbustes, gazon. Aucun espace n’était laissé à lui-même, aucun vide ne s’offrait à l’œil du visiteur. Tout était agréablement aménagé : les rues, bien définies, ne souffraient d’aucune faille majeure ; les trottoirs étaient clairement séparés des pistes cyclables ; les passages à piétons n’étaient nullement ambigus. Le rond-point, chose que je voyais pour la première fois sur ce continent, située à l’entrée, s’intégrait parfaitement avec le reste : la circulation était fluide et je n’entendis aucun coup de klaxon. Fait peut-être banal pour plusieurs mais qui, venant d’où ce que je venais, relevait du parfait miracle.

À ma gauche, je vis au loin plusieurs commerces et immeubles de bureaux qui me laissèrent supposer qu’une bonne partie de l’activité économique de l’île se trouvait à cet endroit. Doutant fortement d’y trouver un quelconque élément de réponse à mes questions, je décidai de poursuivre droit devant.

La petite animosité que je laissai derrière moi se dissipa peu à peu. Les magasins firent place à des quartiers résidentiels, les larges rues devinrent plus étroites et moins sollicitées. Ce n’était ni les maisons, de toutes tailles, ni les appartements, de tous genres, qui manquaient. Voyant des hautes tours au loin côté sud, je devinai que le nombre d’habitants ne devait pas être négligeable ; je ne fus donc pas surprise de tomber sur une école primaire sur mon chemin, ni de voir plusieurs parcs et aires de jeux aux alentours. Il y en avait pour tous les goûts : terrains de tennis, piscines, boulodromes, terrains de foot, parcs pour les jeunes enfants, parc pour les chiens. Même une table de ping-pong extérieure ! Toute cette diversité me laissa penser que les insulaires devait appartenir à une certaine classe sociale, pour le moins des plus aisées.

C’est alors que je les observai un peu plus en détail. Observations qui ne menèrent cependant à aucune conclusion évidente. Je vis, en des proportions sensiblement égales, autant de jeunes couples que de jeunes familles avec leurs enfants, ou encore des familles plus complètes avec les grands-parents, les enfants et les petits-enfants ; des solitaires, également de tout âge, et des adolescents. Hommes, femmes, de cultures aussi variées que de ce que j’avais pu constater au centre-ville.

À ma grande déception je n’étais donc arrivée à détecter aucune anomalie notable et, ayant marché pendant près d’une trentaine de minutes sur cette île, je m’apprêtai à reprendre mon long chemin du retour vers la maison lorsqu’un détail me frappa :

- Tous ces gens, que je vois devant moi, et personne sur les aires de jeux ?

Ils étaient effectivement tous vides. Personne ne semblait vouloir prendre le temps de s’amuser en cette belle après-midi de printemps. Et s’il y a bien une chose que les gens aisés sont aptes à faire, c’est de prendre le temps de s’amuser.

Je ne savais pas pourquoi, mais j’étais persuadée que ces gens s’adonnaient à une quelconque activité. Or aucune scène de récréation, aucun brouhaha, ni quoi que ce soit n’était en fait vraiment parvenue à mes sens. Comme si j’avais été victime d’une certaine illusion. Alors que faisaient-ils ? Ils marchaient.

Je pris quelques instants avant de comprendre que la plupart des personnes marchaient dans une certaine direction, la même pour tous. D’après la carte que j’avais, ils se dirigeaient vers le centre. Ne pouvant pas trop me perdre, l’île n’étant pas très grande, je me mis alors à les suivre.

Mon hypothèse se confirma lorsque je vis de plus en plus de personnes converger en un même lieu, non clairement identifiable (la carte était muette à ce sujet), que je désirai cependant proche, la fatigue commençant à me gagner. Heureusement, ma patience ne fut pas trop mise à l’épreuve : une dizaine de minutes plus tard je tombai sur un second centre économique, si on pouvait ainsi dire.

Celui-ci était beaucoup plus petit que le premier que j’avais vu en rentrant sur l’île, et surtout beaucoup moins moderne. Du moins par son aspect extérieur. Il se composait de deux bâtiments distincts, de formes différentes mais de tailles semblables. D’après ce que j’ai pu rapidement remarquer, sur la bâtisse de gauche il y avait entre autre un restaurant et un petit commerce vendant un peu de tout (c’était un centre commercial extérieur, signifiant que pour aller du restaurant au petit magasin il fallait passer par dehors). Pour ce qui était de la bâtisse de droite, rien ne capta mon attention si ce n’était que tous les gens que j’avais suivis s’y engouffraient.

- Une élection locale peut-être ? m’étais-je dis. Je n’arrivais toujours pas à comprendre cette mobilisation générale de la population vers cet endroit précis.

Au-dessus de l’entrée se trouvait une enseigne qui ne manqua pas d’attirer mon attention :

Pour celui ou celle qui se sent oublié,

Sur l’île des Jainis, tu te retrouveras.

Puis, sur les deux portes vitrées, une même grande affiche ne comportant que ces mots :

Devons-nous nous permettre de voyager ?

Drôle de question pour une communauté très aisée !

- Pardon madame, allez-vous rentrer ?

- Désolé Monsieur ! (c’était un vieil homme d’un âge assez avancé). Je n’avais pas vu que je vous bloquais le passage.

- Mais je vous en prie. Je remarque que vous êtes nouvelle ici.

- Ah, ça se voit tant que ça ?

- Les habitués connaissent déjà la question de la semaine. Seuls les nouveaux la lisent au-devant de la porte. Par contre, nous sommes en train de bloquer à notre tour le passage. Rentrons, si vous le voulez bien.

- Oh, je n’ai pas été invitée à … en fait je ne sais pas vraiment ce qui se passe. Je ne suis pas certaine que cet événement me concerne.

- Vous serez peut-être surprise de constater votre niveau d’implication. D’ailleurs, ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir oubliée ?

Était-ce une allusion à l’enseigne ? Cela me prit par surprise et, sur le coup, je ne sus quoi lui répondre.

- C’est ce qui me semblait, reprit-il. Rentrez, si vous le voulez bien. Personne n’est mis à l’écart ici, bien au contraire.

Est-ce que j’avais hésité ? M’avait-t-il forcé ? Tout ce que je savais, c’est que j’avais toujours mon énigme à résoudre.

Voilà, il n'y a rien de plus!

J'espère que vous avez apprécié la lecture de mes conneries. Je suis une merde!