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Prochain essai

Montréal et cosmopolitisme - la vendeuse de macarons II

Vendredi le 27 juillet 2018

Les gens sont souvent élogieux lorsque vient le temps de décrire une ville qu’ils viennent de visiter pour la première fois. Surtout lorsque cette description se fait par écrit. Ce qui est tout à fait normal, puisqu’ils prennent justement le temps de structurer et de poser leurs pensées.

Dans mon cas, à défaut d’être élogieuse, je serai mystérieuse. C’est cette première impression que j’ai eu de Montréal et, même encore aujourd’hui, c’est la seule qui demeure à mon esprit.

Comment pouvait-il en être autrement ? Dès mes premiers instants je ne vécus que des surprises. Ma cousine, qui était venue à l’aéroport, m'accueillit à bras ouverts :

- Inès ! Finalement, réunies ! It has been sooooooo long !

Je ne l’avais peut-être pas vue depuis longtemps, mais son accueil m’étonna. Elle m’avait averti que dans la ville les deux langues étaient couramment parlées, détail dont je n’avais pas mesuré la pleine portée avant que mes oreilles purent en témoigner. Ce premier choc passé, je devins plus attentive et, effectivement, je remarquai que toutes les conversations autour de moi basculaient rapidement du français à l’anglais, et vice versa.

Je me rendis compte que ce n’était pas uniquement les conversations qui basculaient rapidement. En cette fin de journée de printemps, lorsque je sortis de l’aéroport, il faisait beau et relativement doux. Je n’avais probablement pas remarqué les nuages à l’horizon, mais quelques minutes après être montée dans la voiture la pluie se mit à tomber et, une demi-heure plus tard, lorsque nous arrivâmes en ville, celle-ci se transforma en neige fondante.

- Tu verras, c’est comme ça le printemps ici. Tu ne sais jamais ce qui va se passer dans le prochaine quart d’heure.

Tout était donc différent de ce que j’avais connu. Les rues étaient droites, perpendiculaires et parallèles entre elles, aux trottoirs bien définis ; les bâtiments, sans être une spécialiste en architecture, alternaient entre le modernisme, les vestiges anglo-saxons et ceux de la Nouvelle-France. Bien loin de ma ville de macarons ! Malgré cette apparente logique et uniformité, aucun quartier ne ressemblait à l’autre ; il suffisait que je nomme une nationalité à ma cousine et elle arrivait à me dire entre quelle rue et quelle rue se trouvait la communauté en question, et quels étaient les meilleurs restaurants pour découvrir cette culture. C’est alors que je réalisai que Montréal débordait d’activités, autant culturelles que sportives que récréationnelles. Il y en avait pour tous les genres et tous les goûts.

Ce qui me surprit le plus ce fut la coexistence pacifique et l’esprit de tolérance dans laquelle cette diversité arrivait à fleurir. Bien sûr, certaines tensions sociales se manifestaient de temps à autre, mais elles étaient très ponctuelles dans le temps, ne survenant apparemment qu’en temps de campagne électorale, puis était d’une envergure beaucoup moins grande de ce que j’avais pu connaître. Les gens semblaient tout simplement vivre leur vie comme ils le voulaient, du moment qu’ils ne dérangeaient personnes. Rien de plus intriguant.

Ces constatations, je les avais faites graduellement avec ma cousine lorsqu’elle me fit visiter la ville. Elle fut mon guide pendant les premiers jours, n’ayant pu prendre plus de congés par la suite : elle venait de commencer il y a quelques semaine un nouveau boulot.

- Tu es sûre que ça va aller ? me demanda-elle un matin alors qu’elle se préparait pour aller travailler, me laissant seule pour la première fois depuis mon arrivée.

- Bien sûr ! Ne t’inquiètes pas pour moi, tu as été une super guide. Je ne peux plus me perdre maintenant.

Cependant, c’est ce que je cherchais : je voulais me perdre un peu. Cette ville, complexe à bien des niveaux, devait dissimuler quelques secrets qui expliquaient son équilibre apparent. J’étais persuadée que toute cette tranquillité ne pouvait exister qu’à un certain prix, et j’étais prête à (presque) tout pour découvrir son secret. D’ailleurs, lorsque je visite une ville pour la première fois, je ne fais que survoler les attractions populaires, passant la majeure partie de mon temps dans les lieux un peu plus vrais, authentiques. C’est encore à ce jour le meilleur moyen que j’ai trouvé pour m’imprégner totalement d’un nouveau monde.

Lors de ces quelques journées passées avec ma cousine, je consultai plusieurs fois la carte de l’île afin de me situer, touriste que j’étais, et je remarquai que non trop loin d’où ce que j’étais il y avait un fleuve. Chose tout à fait normale pour une ville située sur une île. Je décidai de m’y rendre par le plus court chemin, pour ensuite longer la rive, en espérant de trouver rapidement, en périphérie du centre, quelques éléments qui pourraient m’aider à résoudre mon mystère. Mystère que je ne faisais peut-être qu’imaginer !

Après plus d’une heure de marche, à la suite de plusieurs détours et d’innombrables arrêts, observant les quartiers traversés et les gens rencontrés, j'atteignis finalement le Saint-Laurent. Dénudée de tout indice dans la quête que je m’étais fixée. Le fleuve s’étendait devant moi, voyant à peine la rive opposée. Il faisait, apparemment, chaud pour ce temps-ci de l’année ; le ciel, dégagé, servait de fond à quelques cumulus d’une blancheur éclatante, voguant sous les effets d’un vent tiède ; puis, posées de manières éparses, il y avait des petites îles, touffues d’arbres, les deux donnant l’impression de suivre le rythme imposé par le zéphyr.

Je restais assise sur l’herbe quelques instants, contemplant ce tableau digne de l’âge d’or hollandais, tableau qui n’arrivait à éclaircir aucunement mes questions, lorsque mon attention se porta sur un panneau, situé à ma droite, qui indiquait la voie pédestre à prendre pour se rendre sur l’île des Jainis.

Je vérifiai ma carte ; en effet, la présence de l’île y était bien indiquée. Je ne l’avais tout simplement par remarquée. Il n’y avait aucune attraction de reliée à celle-ci, et jamais ma cousine ne m’en parla. Le candidat idéal.

- Et si c’est avec un regard complètement détaché, à partir de l’autre côté, que j’arriverai à mieux cerner cette ville ?

C’était le milieu de la journée. J’avais encore un peu de temps devant moi avant le début de la soirée.

C’est ainsi que je me mis en direction de l’île des Jainis.

Voilà, il n'y a rien de plus!

J'espère que vous avez apprécié la lecture de mes conneries. Je suis une merde!