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Prochain essai

Le petit garçon qui avait perdu ses amis

Lundi le 14 octobre 2019

Votre Majesté,

Nous savons tous que les personnages de Clochette et de Peter appartiennent à l’imaginaire. Pourtant, la lettre de cette petite fée me donna fortement l’impression qu’elle existait vraiment, quelque part, dans un endroit qui m’échappait.

“Laisse-moi te raconter une autre histoire, reprit Saphanta, me tirant de mes réflexions.

“Il était une fois un garçon qui possédait des amis.

“Bon, le petit garçon n’était pas aussi petit que ça. Mais nous possédons tous une partie en nous qui refuse de grandir, et c’est à cette partie-là que fait référence la prochaine histoire.

“Ce petit garçon tenait donc beaucoup à ses amis. Jusqu’à ce qu’il se rende compte que ses amis ne tenaient pas à lui autant qu’il le pensait. 

“Un jour, Terry, un de ses premiers amis d’enfance, lui annonça la nouvelle suivante :

“Je veux changer les choses, et je veux aider mon entourage. Il est donc temps pour moi que je me lance en politique. Ne pouvant accomplir ceci sur cette île, je m’en vais de l’autre côté.” Et il partit, après avoir chaleureusement fait ses adieux au petit garçon.

“Le lendemain un autre de ses amis d’enfance, Berlioz, lui annonça la nouvelle suivante :

“Je m’en vais, parce que le boulot me fait partir loin. Sinon tu le sais, je serai bien resté ici. Tu me diras pourquoi ne pas trouver un poste qui me fera rester ? J’y penserai une fois rendu là-bas.” Et il partit, de la même manière que partit Lieutenant.

“Le jour d’après c’était Frenchy, son camarade du lycée, qui vint lui annoncer la nouvelle suivante :

“Je cherche à me dépasser intellectuellement, et j’ai fait le tour de ce que je pouvais apprendre ici. Je m’en vais vers de nouveaux défis, à la recherche du savoir par excellence. Mais nous resterons toujours en contact.” Et il partit, de la même manière que partit Lieutenant et Berlioz.

“Je cherche à laisser ma marque sur cette Terre, et ce n’est pas sur cette île que je le ferai”, lui annonça à son tour Jules, son camarade de la fac. Mais le petit garçon savait au fond de lui que Jules cherchait aussi à égaler les marques de son père. Ses adieux furent plus brefs que ses autres amis.

“J’ai toujours senti que j’allais être de passage ici, et aujourd’hui je sens que mon passage vient d’arriver au bout de sa course”, lui annonça à son tour Frérot, son autre bon ami de la fac. “Je m’en vais poursuivre l’aventure ailleurs, pour la terminer dans ma terre natale. J’espère te revoir un jour petit garçon.”

“Tu me connais, je suis fier. Je n’aime pas travailler pour les gens, et je veux me lancer dans les affaires. Ici, je ne pourrai rien faire de ça. C’est pour cela que je m’en vais.”, lui annonça en dernier Ali. Et il partit lui aussi, comme tous les autres. Ces adieux étaient les plus durs à accepter pour notre petit garçon, parce qu’il aimait beaucoup cet ami, et surtout parce que c’était le dernier qui lui restait.

“Tous ses amis étant partis, le petit garçon se retrouva fort triste, et fort seul. Avec qui pouvait-il maintenant jouer ? Faire des mauvais coups ? Passer une soirée avec les garçons à parler des filles ? Et surtout, à qui dorénavant allait-il pouvoir se confier ? Il se rendit rapidement compte qu’il n’aimait pas la solitude : elle lui faisait peur.

“Je ne peux pas les ramener”, se dit-il. “Aucun ne semblait regretter son départ, je ne risque donc pas de les revoir de sitôt. Par contre ils sont bien là, dans ma mémoire : rien ne m’empêche de les faire revivre quand bon me semblera !”

“Et afin de ne pas oublier ses amis, car il savait que la mémoire pouvait parfois jouer de bien mauvais tours, il prit des crayons et une feuille blanche puis il se mit à les dessiner. 

“Il commença avec de petits portraits. Sans grand détail au début, et au fur et à mesure qu’il achevait ses croquis et qu’il en recommença de nouveaux, ceux-ci ressemblaient de plus en plus à la réalité.  

“Cependant le petit garçon se rendit rapidement compte que ce n’était pas assez. Il manquait quelque chose dans ses dessins : ses amis n’avaient été jamais aussi inertes. Il se mit donc à les représenter dans des scènes actives de sa vie de tous les jours : il représenta Terry en train de manger des céréales avec lui, Berlioz qui prenait avec lui le chemin pour l’école, et bien d’autres moments avec ses autres amis. Et puisqu’il les aimait tous, il les fit aussi cohabiter tous ensemble dans plusieurs croquis, dans des anniversaires ou d’autres fêtes avec les filles.

“Pourtant, ce n’était pas encore assez pour le petit garçon. Les voir, c’était bien. Mais il voulait leur parler, il voulait les entendre.

“Je n’ai aucun moyen de les rejoindre pour leur dire ce que je pense vraiment de leur départ.

“À Terry, je lui aurais dit qu’il ne sert à rien d’aller aussi loin, de l’autre côté, pour diriger les hommes, et qu’il peut bien le faire ici. Nous manquons de guides.

“À Berlioz, je lui aurais dit que le prix à payer pour quitter parents et amis, ce monde qu’il a toujours connu, pour l’inconnu, est bien trop gros.

“À Frenchy, je lui aurais dit qu’il y a encore tant de choses à découvrir ici, ne serait-ce que la nature humaine, et qu’il est impossible d’épuiser complètement tous les secrets qu’une personne puisse avoir.

“À Jules, je lui aurais dit que la marque qu’il veut laisser sur cette Terre, il aurait très bien pu la laisser ici. Cette île ne fait-elle pas partie de la même Terre qu’il souhaite défendre ?

“À Frérot, je lui aurais dit que si ses parents ont mis autant d’ardeur à tracer le chemin pour que leur fils vienne s’établir ici, ce n’était probablement pas pour qu’il reparte ailleurs tout de suite à la première occasion.

“À Ali, je lui aurais dit que s’il y a bien quelque chose qui ne manque pas dans ce monde rempli d’ego c’est la fierté, et qu’il ne trouvera que méchanceté et tristesse de l’autre côté. Ici il prospèrera.

“Et après avoir écrit cette dernière pensée, très fatigué qu’il était par toutes ces émotions, le petit garçon tomba de sommeil sur son petit bureau.

“Les pensées du petit garçon étaient-elles légitimes ? Peut-être. En fait, il avait écrit avec son cœur. Même si au fond de lui il voulait vraiment revoir ses amis, jamais il n’aurait osé leur faire de telles demandes. C’étaient leurs choix, et il respectait cela. Tout ce qu’il pouvait espérer, c’était de pouvoir vraiment les revoir un jour.

“Lorsqu’il se réveilla le lendemain, qu’elle ne fut sa surprise lorsqu’il vit tous ses amis dehors, l’attendant qu’il sorte de la maison. Comme s’ils n’étaient jamais partis.

“Et le petit garçon avait compris ce qu’il venait de réaliser.

Voilà, il n'y a rien de plus!

J'espère que vous avez apprécié la lecture de mes conneries. Je suis une merde!